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Quand le bâtiment se fait ressource : urban mining à Bruxelles

22 août 2024

L'un des principaux enseignements de ces dernières années, c’est que certaines matières premières se raréfient et que nous devons par conséquent agir de manière responsable. C'est dans cette optique que s’inscrit le concept d’urban mining, qui vise à minimiser la perte de ressources précieuses. Le projet bruxellois Multi du cabinet d’architecture CONIX RDBM Architects, basé à Wilrijk, constitue un excellent exemple de la mise en pratique de l’« exploitation minière urbaine ».

 

par Jan Hoffman

 

Récupération et réutilisation



L’Urban mining pousse plus loin de concept de recyclage. Photo © Immobel


Si l’on devait définir en quelques mots l’urban mining, on pourrait dire qu’il s’agit de la récupération et de la réutilisation de matériaux usagés en ville. Cela consiste à récupérer des matières premières dans d’anciens bâtiments, d’anciennes infrastructures ou d’anciens produits. Ces matériaux doivent évidemment être aptes à être réutilisés. On suit en cela le même raisonnement que pour n'importe quel objet arrivé en fin de vie, comme une voiture ou un appareil électrique.

 

L’urban mining est en quelque sorte une démarche qui pousse plus loin le concept de recyclage. Dans le contexte urbain, c’est un enjeu crucial, où il nous faut chercher à préserver nos ressources limitées sans dépasser les limites planétaires. Ce concept doit viser un approvisionnement fiable en matériaux secondaires de qualité. Comme dans tout processus d’extraction, c’est un travail minutieux sur le terrain, en quête de matières premières, de minéraux et de métaux précieux. Dans les bâtiments, on pensera notamment à des matériaux comme le bois, le verre, le béton, le métal, les pièces électroniques ou industrielles, qui évitent ainsi de finir à la décharge, dans un incinérateur ou transformés en produits de moindre valeur économique.

 


La tour De Brouckère, érigée en 1969, un immeuble de bureaux à vocation unique. Photo © Rotor


Entendons-nous bien : cela ne signifie absolument pas qu’on n’utilisera plus aucune matière vierge. Le but de la démarche est d’en limiter la quantité au minimum absolu, tout en partant à la chasse aux mines d'or virtuelles au sein des villes. Comme pour le projet bruxellois Multi, achevé début 2022, qui prévoyait la transformation d'un bâtiment moderniste – la tour De Brouckère, un immeuble de bureaux à vocation unique – en une structure au programme varié, apportant une solide valeur ajoutée pour le public et les utilisateurs. L’ensemble du projet répond aux nombreuses exigences d’une rénovation durable en termes de circularité, de réemploi et de mobilité.

 

Les piliers majeurs du projet


“La transformation de cette tour moderniste avait pour but de convertir un immeuble de bureaux à vocation unique en un programme à valeur ajoutée pour le public”, précise Christine Conix du cabinet CONIX RDBM Architects. “L’ensemble vient dynamiser le piétonnier et génère une connexion entre les espaces publics alentours. Nous sommes passés d’une tour sombre monolithique à un ensemble transparent et accueillant. Ce bâtiment de style moderniste avait été conçu dans les années 1960, en rupture avec le tissu urbanistique, sans souci du bâti existant et sans considération pour les riverains, dans le cadre du projet Manhattan.”

 


Multi ambitionnait un dialogue tout en transparence, alliant la conception architecturale et urbaine, la mobilité, la recherche pour la durabilité et la recherche pour la réutilisation optimale des matériaux. Photo © CONIX RDBM Architects


“En accord avec mes partenaires, Jorden Goossenaerts et Frederik Jacobs, nous nous sommes attachés en priorité à réparer ce tissu. Notamment en exploitant le potentiel de transformation du bâtiment dans une démarche circulaire. Nous voulions aboutir à un projet urbain de très haute performance. Pour assurer une démarche socialement pertinente et réagir à l’urgence de cet enjeu urbain, nous avons constitué une équipe apte à aborder ce projet emblématique selon plusieurs angles, avec comme piliers majeurs un dialogue tout en transparence, alliant la conception architecturale et urbaine, la mobilité, la recherche pour la durabilité (BREEAM notamment) et enfin la recherche pour la réutilisation optimale des matériaux.”

 

Défis

Madame Conix aborde ensuite les défis qu’il a fallu relever lors de la phase de conception. Elle détaille également la réflexion qui s'opère par rapport à la disponibilité et l’utilisation des matériaux.

 


Pour la conception de Multi, le choix s’est délibérément porté sur une palette de matériaux limitée. Photo © CONIX RDBM Architects


“Le réemploi a une notion temporelle. Ce qui nécessite une attitude complètement nouvelle de la part du concepteur : rechercher des possibilités de conception, basées sur des décisions prises dans le passé. C’est ainsi que la pierre bleue de la façade actuelle a été utilisée pour la reconstruction de la façade côté rue de Laeken et que nous avons reconverti 1 300 mètres linéaires de structures en aluminium extraites du bâtiment en balustrades et luminaires pour l'atrium.”

 

“Le projet était orienté vers la recherche d’une plus grande ouverture. Nous avons donc délibérément choisi une palette de matériaux limitée, créant un ensemble épuré. Pour la façade nous avons opté pour un aluminium mat structuré apportant plus de profondeur et de relief. Il faillait également apporter de la légèreté au bâtiment. La large part donnée au vitrage assure un apport maximal de lumière naturelle. De plus, le bâtiment semble désormais s’imprégner de son environnement, plutôt que d’en renvoyer un reflet terni. Multi devait capter l’attention par sa simplicité.”

 

Plus qu’une simple dépollution


L’ambition du projet Multi allait donc bien au-delà d’une simple dépollution. Au contraire, il mettait l’accent sur le réemploi des matériaux pour les immeubles de bureaux.

 

“Rien qu’en évitant la démolition du bâtiment, 89 % des matériaux ont pu être préservés in situ. Et nous voulions en outre qu’au moins 2 % des matériaux de réemploi proviennent de l’urban mining, c’est-à-dire d’autres chantiers. Cela peut sembler peu mais en pratique, cela constitue un défi énorme pour un projet de cette envergure. À notre connaissance, ce serait même le pourcentage le plus élevé jamais atteint à Bruxelles.”

 


Avec ses grandes baies vitrées et son jardin urbain ouvert au public, le socle du bâtiment constitue un lien fort entre les quartiers environnants et le piétonnier. Photo © CONIX RDBM Architects

 

Le projet Multi a contribué à un réaménagement de qualité du quartier jouxtant la Gare centrale. Cette structure qui barrait autrefois le paysage joue désormais un rôle de cohésion.

 

“Avec ses grandes baies vitrées et son jardin urbain ouvert au public, le socle du bâtiment constitue un lien fort entre les quartiers environnants et le piétonnier. Le trottoir a été agrandi, l'entrée et la sortie du parking ont été supprimées, de même que le passage des bus, créant une nouvelle place du côté de la rue de Laeken. Pour cela, nous avons travaillé en étroite collaboration avec la ville et les équipes du Bouwmeester Maître Architecte (BMA). L’espace du côté du boulevard Anspach a été aménagé en espace intérieur public. En rappelant subtilement l’atmosphère, les matériaux et les fonctions de l’extérieur à l’intérieur, notre intention était de créer un cadre urbain estompant la frontière entre l’intérieur et l’extérieur. Pour terminer, un grand atrium a été aménagé afin de créer un lien visuel et spatial entre le piétonnier et la nouvelle plateforme publique située au-dessus du socle.”

 


Photo © CONIX RDBM Architects

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