Une équipe de designers belges a remporté un succès inattendu lors du WAF, le World Architecture Festival annuel qui s'est tenu fin 2023 à Singapour. Avec son bureau d’architecture d’intérieur Stay Studio, Simon Adriaenssens a en effet décroché le premier prix dans la catégorie 'Workplace Small'. Et ce, pour la conception du Link Lab qui, outre son propre bureau, abrite également trois autres agences de création.
par Jan Hoffman
Simon Adriaenssens, qui s'est rendu à Singapour avec d'autres membres du Link Lab pour recevoir ce prix, a fait l’objet de toutes les attentions ces dernières semaines. En effet, il n'est pas fréquent qu'un Belge décroche la timbale au WAF, l'un des festivals d'architecture les plus réputés au monde. Lorsque nous avons appelé ce jeune Courtraisien en vidéoconférence, une première surprise nous attendait avant même que ce dernier n'apparaisse à l'écran. Il s’était effectivement installé dans un petit espace ressemblant fortement au showroom d’un magasin de parquet de haut rang...
Simon Adriaenssens et Tom Vandorpe, les associés à la tête de Stay Studio. Photo © Klaas Verdru
"Un vestige de l’ère du coronavirus. Nous avions conçu pour le Link Lab des espaces téléphoniques spécifiques, afin que tout le monde puisse passer des appels vidéo simultanément en toute sécurité et en toute quiétude. Finalement, nous ne les avons pratiquement pas utilisés, mais je trouvais sympa de m'y asseoir à nouveau", dit-il en riant.
Collaborer de façon innovante
Cette première réaction donne le ton du reste de la conversation. Le fil conducteur de celle-ci semble être que Simon Adriaenssens est un homme ayant une vision très claire, et qui attache beaucoup d'importance à collaborer de façon innovante. Et telle est précisément l’essence du projet gagnant. Le Link Lab réunit en effet sur le Veemarkt à Courtrai quatre agences de création, toutes actives dans des mondes interconnectés sans toutefois se concurrencer mutuellement. Il s'agit d'urbanistes (Dencity), d'architectes de grands projets (Markland), de concepteurs de maisons individuelles (Us) et des architectes d'intérieur de Stay Studio.
Une salle de réunion au Link Lab. La transparence entre les différents utilisateurs joue un rôle central. Photo © Cafeïne
"Le Link Lab met en relation différents secteurs, y compris sur le plan juridique. Les quatre utilisateurs ont acheté ce bureau ensemble et sont liés les uns aux autres par le biais de parts", explique Simon. "En fin de compte, nous nous donnons du travail les uns aux autres, sans nous faire concurrence. Cela commence par la plus grande échelle et va jusqu'à la plus petite, celle de l'aménagement intérieur. Le Link Lab dispose également d'un bureau satellite à Lille, dont les collaborateurs viennent aussi très souvent travailler à Courtrai."
"L’histoire des débuts du Link Lab peut être qualifiée d’intéressante. À l'origine, il y avait ici deux bureaux, tandis que Markland était actif au Hangar K. S'installer ensemble dans une plateforme physique identique s’avérait plus logique. Notre regard s’est porté sur un espace près de la tour Saint-Jean, dans un bâtiment conçu pour abriter des espaces commerciaux et vacant depuis dix ans, que nous avons acheté comme espace commercial en 2021. Nous avons travaillé sur cet espace, alors à l’état de gros œuvre fermé, pendant environ un an."
Différents contenus sous une seule et même bannière
Simon Adriaenssens précise d'emblée que Stay Studio n'est pas son 'bébé’ à lui seul; c’est aussi celui du co-fondateur Tom Vandorpe, l'ancien co-directeur du cabinet d'architectes roularien B2Ai. Ce seul fait permet d'expliquer le phénomène du Link Lab.
Un espace de rencontre informel. Photo © Cafeïne
"Dans le monde de la construction au sens large, on constate généralement que divers contenus sont regroupés sous diverses bannières. Dans ce cas, par exemple, le client s'adresse d'abord à un architecte, puis va frapper à la porte d'un architecte d'intérieur. Nous trouvions – et trouvons encore et toujours – que ce n’est pas particulièrement logique. Pourquoi ne pas travailler ensemble sous un même toit où les clients pourraient tout trouver pour leur projet?"
"Si les différentes marques sont scindées au sein du Link Lab, nous pouvons tout de même nous présenter au monde extérieur sous la forme d’une entité. En collaborant, les différentes agences peuvent fournir un meilleur produit fini, avec en prime des coûts de personnel réduits et des honoraires qui restent précisément identiques pour le client. Dès la première étape, nous confions la mission au spécialiste approprié, puis continuons à collaborer. Les clients n'ont pas besoin d'aller dénicher de l'expertise séparément, mais peuvent trouver la solution sous un seul et même toit. Et si le client n'a besoin que de l’aménagement intérieur? Aucun souci, seul Stay Studio se penchera sur son projet..."
Au Link Lab, il est frappant de constater à quel point l'ensemble paraît peu sophistiqué. Photo © Cafeïne
Le Link Lab nous ramène au style de Stay Studio proprement dit. En déambulant à travers le bureau, le visiteur remarque à quel point l'ensemble paraît peu sophistiqué. Par exemple, il ne verra pas ici des plafonds à la finition impeccable, mais sera ouvertement confronté aux techniques.
Pas un style super clean
"Stay Studio veut surtout concevoir des espaces vivants, où la vie moderne joue un rôle central. Pour ce faire, nous veillons à inventer, concevoir et créer sur la base d'une mentalité totalement 'hors des sentiers battus', dans laquelle créativité et innovation vont de pair", explique Simon Adriaenssens. "On pourrait décrire notre style comme ‘pas super clean, avec une certaine brutalité associée à des éléments raffinés’. Nous montrons des choses, mais équilibrons le look industriel avec des matériaux plus luxueux pour créer un équilibre. Cela permet aussi de montrer la structure, une tendance extrêmement fréquente dans les bureaux. L’important, c’est le ressenti. Comme pour un établissement horeca, où le ressenti de l’intérieur s’avère précisément aussi important que la qualité des préparations."
Ce qui est frappant au Link Lab, c'est qu'aucune des agences n'a ses propres espaces. L'ensemble de l'étage est utilisé comme espace de bureaux commun ainsi que comme espace pour des ateliers d'architecture, des événements de networking et des conférences.
Les utilisateurs des différents espaces ne sont pas liés à un seul et même poste de travail fixe. Photo © Cafeïne
La possibilité d'utiliser l’espace de façon multifonctionnelle était déjà évidente dès son achat. Aucune des entités ne revendique tel ou tel espace par le biais d’un branding ou de délimitations. Que du contraire, les concepteurs des différentes agences sont mélangés. Tout le monde se retrouve ainsi dans un lieu de travail à la fois attirant et flexible. Les collaborateurs s’assoient où ils veulent et cela se fait dans un style fluide ou mélange de secteurs en association avec une finition industrielle et raffinée. Vous remarquerez peut-être que Stay Studio a un petit faible pour les années ‘50 et ‘60, au niveau tant des matériaux que du design. Notre bureau illustre également notre point de gravité.
"Nous nous concentrons principalement sur les espaces semi-publics, car ils permettent de travailler d’une manière beaucoup plus conceptuelle. Actuellement, nous travaillons par exemple sur deux bureaux en région courtraisienne ainsi que sur un nouvel établissement horeca sur la Grand-Place de Courtrai, qui ouvrira ses portes cet été. De plus, nous intervenons actuellement dans l'aménagement intérieur d'une maison de repos/restaurant insolite du groupe de soins Heilig-Hart à Roulers. Cela montre comment nous essayons de travailler à plus grande échelle afin d'avoir un impact sur de plus grands groupes de personnes. C'est moins le cas avec les maisons privées, même si nous ne refusons assurément pas ces dernières!"
Un récit tourné vers l'avenir
Les projets dans un avenir proche nous mènent à l'avenir de Stay Studio. Comment Simon Adriaenssens envisage-t-il celui-ci?
"Stay compte actuellement deux associés, trois collaborateurs fixes et un collaborateur freelance. Mais nous espérons évidemment continuer à grandir. En cours de route, j'acquiers l'expérience nécessaire en tant que chef d’entreprise, un domaine dans lequel j'ai beaucoup appris de mon père, qui était lui-même à la tête de plusieurs entreprises, mais j’apprends aussi énormément de mon associé Tom."
"L'intention, en tout cas, est de faire connaître le nom de l'entreprise au grand public. Stay Studio ne tourne pas autour d’une personne, c’est un récit tourné vers l'avenir auquel les gens peuvent se rallier. L'idée principale est de construire encore davantage une marque, que nous pourrons transmettre plus tard."
Pas moins de 5 associés se sont rendus à Singapour parce que les membres du Link Lab avaient introduit plusieurs projets. Photo © Linklab @WAF 2023
Une dernière question nous semblait intéressante pour conclure: doit-on encore s'attendre à des participations à de nouveaux concours WAF de la part des membres du Link Lab et, par conséquent, aussi de Stay Studio?
"Ce ne sera pas pour l'année prochaine, j'en ai bien peur, mais peut-être dans deux ans? Nous participerons assurément à nouveau. Ce fut une expérience inoubliable que nous aimerions revivre", affirme Simon Adriaenssens tout sourire. "Cela vaut aussi pour les autres. Ce qui risque de passer inaperçu, c'est qu'il y a eu plus que notre victoire dans la catégorie des 'small offices'. Nous nous sommes en effet rendus à Singapour avec pas moins de cinq associés parce que les membres du Link Lab avaient introduit plusieurs projets. La tour estudiantine The Sky, un projet de Markland, avait également été nominée dans la catégorie ‘Future Residential’, mais n'a finalement pas gagné."