Après Lommel et Louvain, Flanders Make a inauguré début novembre 2023 un tout nouveau centre de recherche et d'innovation technologique pour l’industrie manufacturière, cette fois à Courtrai. Ce bâtiment rectangulaire de cinq étages s’articule autour d'un programme architectural multiple, avec des salles de labo, de recherche et de production, côtoyant des salles de réunions et des bureaux. Il se trouve dans une "nouvelle" partie de la ville, séparée du centre-ville par la Lys et une ligne de chemin de fer.
par Jan Hoffman
Flanders Make est un centre de recherche stratégique qui s’est donné pour mission d’aider l'industrie manufacturière flamande à innover et à renforcer sa position concurrentielle internationale. Pour le site de Courtrai – le plus grand du groupe – le client avait un objectif spécifique : créer un lieu de référence pour les entreprises, où tester les dernières technologies et méthodes de production et bénéficier de conseils d’investissement pour optimiser leur environnement de production. Flanders Make est convaincu que la transition numérique et écologique et surtout l'innovation sont cruciales pour le succès futur des entreprises et c’est dans cette voie que le groupe veut les encourager.
C’est un objectif précis et clair qu’ils voulaient étayer par une architecture spécifique. Le groupe a donc organisé un concours, au terme duquel le projet a été confié à deux cabinets d'architectes travaillant en étroite collaboration : Jaspers-Eyers Architects pour la conception et Modulo Architects pour le suivi de la réalisation. Les architectes se sont associés à la SA "Stadion", fondée pour l’occasion et regroupant le promoteur ION HOLDING et l’entrepreneur Stadsbader NV, pour créer à hauteur des numéros 16-18 de la Graaf Karel de Goedelaan un bâtiment flexible axé sur une approche durable, offrant 7.948 m² d’espace intérieur modulable, dont 5.642 m² en surface et 2.307 m² en sous-sol.
Pour en savoir plus, nous sommes allés à la rencontre de Max Herman, Head of Design et partenaire chez Jaspers-Eyers Architects, chargé de la conception et du suivi du bâtiment jusqu'à la demande de permis de construire. Ensuite, Modulo a pris le relais pour l’exécution des plans mais les deux cabinets d’architectes ont travaillé en étroite collaboration du début à la fin et toute l’esthétique du projet a été décidée conjointement.
Architecture horizontale en strates
Comme le souligne monsieur Herman, il a conçu, avec l’aide de son collègue Paul Poelman, un bâtiment en trois dimensions, basé sur une architecture horizontale en strates : “Ce volume rectangulaire de cinq étage rassemble diverses fonctions, superposées selon un agencement spécifique, créant une certaine harmonie et renforçant l’interaction. La plupart des salle de labo, de recherche et de production sont par exemple entourés de bureaux et de salles de réunion, afin de ménager une certaine perspective et de garantir une façade ouverte. D’autre part, la zone de circulation située à l'avant du bâtiment s'étend jusqu'aux étages supérieurs, avec une vue dégagée vers l'intérieur et vers l'extérieur.”
“Nous avons opté pour des niveaux standards de 3,5 mètres de haut, cantonnant la plupart des salles de labo, de recherche et de production au rez-de-chaussée et réservant les étages aux bureaux et salles de réunion. Mais l’essence même du projet reste l’interaction, avec une imbrication profonde des laboratoires, dont certains s’étendent sur trois étages. En sous-sol, nous avons aménagé un parking pouvant accueillir 100 vélos et 70 voitures, et équipé de bornes de recharge pour les véhicules électriques.”
Flexibilité spatiale et structurelle
De ces explications, nous retiendrons principalement que le but premier des architectes était de créer un maximum de flexibilité spatiale et structurelle.
“Le client voulait pouvoir couvrir un maximum de scénarios d’expansion et de réduction”, précise monsieur Herman. “Nous avons privilégié les grandes portées avec des colonnes périphériques, afin de créer des espaces ouverts malléables. La forme et la volumétrie du bâtiment sont évidemment immuables mais abstraction faite de cela, tout est quasiment possible au niveau technique et fonctionnel. Les labos peuvent être facilement transformés en bureaux et vice-versa.”
“Nous avons commencé par étudier un autre bâtiment construit pour Make Flanders quelques années auparavant à Louvain, afin de nous faire une idée optimale du client. Nous y avons trouvé beaucoup de bonnes choses, et d’autres moins réussies. Pour résumer, nous avons décidé de travailler principalement sur les différents flux de ce bâtiment multi-locataires. Le projet de Courtrai est véritablement "sur mesure", avec un volume soulignant son ouverture et s’efforçant de jeter un pont vers les autres entreprises. L'objectif est de favoriser la collaboration et la cocréation !”
Particulièrement accueillant
Ce qui frappe de l'extérieur, c'est l’ouverture du bâtiment avec sa façade transparente en éléments préfabriqués facilement démontables, entièrement orientée vers une cour intérieure qui reste à aménager. Ce n’est pas un hasard. En effet, le cahier des charges stipulait que l’architecture de la façade devait faire écho à la dynamique de Flanders Make et son interconnexion interne, et ainsi conférer au bâtiment, ainsi qu’au reste du site, une identité claire.
“L’apport de lumière naturelle est assuré par des zones et des baies vitrées stratégiquement positionnées. Les utilisateurs bénéficient d'une lumière naturelle agréable partout, y compris dans les zones de labo, de recherche et de production. Pour les parties fermées des façades, nous avons opté pour un béton architectural épuré”, réagit Max Herman. “C’est un choix qui nous a aidés à concrétiser le cachet moderne et dynamique recherché par le client, évitant l’impression de bunker austère.”
Implantation dans une "nouvelle" partie de la ville
L'implantation du site est très particulière. Il s’agit d'une "nouvelle" partie de la ville de Courtrai, misant largement sur l’aménagement de style campus, articulé autour de l’axe central formé par la Graaf Karel de Goedelaan. Il existe déjà plusieurs campus individuels mais on ressent clairement qu’il s’agit d'un projet encore en cours de réalisation.
“C’est tout un ensemble de clusters qui verra le jour au fil du temps, aménagés autour de cours intérieures”, explique Max Herman. “Le bâtiment de Flanders Make fait partie du premier cluster. Le projet va progressivement libérer plus d’espace pour la mobilité verte et douce. Il existe déjà un tunnel pour les piétons et les cyclistes sous la voie ferrée, et à terme, il permettra de faire la liaison avec le nouveau site de la piscine et le reste du centre-ville. Pour l’instant, l'implantation du projet peut sembler un peu étrange, mais ce n’est qu’une impression car il s’inscrit dans un plan directeur soigneusement élaboré par la ville. Un exemple : une partie du bâtiment du cluster est encore visible depuis la rue mais cela ne sera plus le cas lorsque la cour intérieure aura été aménagée. Plus tard, le bâtiment sera davantage visible latéralement.”
“Par ailleurs, comme il était crucial de séparer les différents flux de circulation, nous avons placé les fonctions nécessitant des installations de chargement et de déchargement, des portes d'accès et des monte-charges du côté de la voie ferrée et de la rivière. Ainsi, les activités logistiques ne viendront pas perturber l’esthétique du bâtiment. Une fois n’est pas coutume, il est intéressant de souligner que les plans ont ici été légèrement altérés. Du côté de la voie ferrée, nous avons opté pour un socle un peu plus massif, donnant un aspect plus robuste au bâtiment, et nous avons légèrement réduit la quantité de verre.”
Un projet ambitieux au niveau de la durabilité
Comme nous y faisions allusion en début d’article, la durabilité est une priorité pour Flanders Make, qui souhaitait évidemment voir cette facette reflétée au maximum dans le bâtiment. De grandes ambitions étaient donc en jeu dans ce projet.
“Le bâtiment est conforme aux normes Q-ZEN”, conclut Max Herman. “Pour y parvenir, il allie des vitrages à haut rendement, des isolants épais et un ensemble de technologies écoénergétiques, comme des panneaux solaires, un champ SEF avec pompes à chaleur, des plafonds climatiques, un système de ventilation D et une infrastructure de récupération de l’eau de pluie. Ce projet a donc nécessité tout un ensemble d’analyses techniques préalables, pour lesquelles nous avons fait appel au bureau d’études Istema.”
Toutes les photos © Jaspers-Eyers Architects