Dag Boutsen : "Un avenir meilleur n'est possible que si l'on ose remettre en question de nombreuses choses".
Quand on atteint un âge respectable, les festivités sont à l’ordre du jour. L’Ordre des Architectes Conseil Flamand fête ses 60 ans cette année, l’occasion pour l'Ordre de donner sa bénédiction à travers une série de débats publics en cinq parties. Chaque débat a la vocation d’aborder un sujet sensible dans une province flamande différente. Un panel d'experts expérimentés sera invité à entrer dans la discussion, le fil conducteur étant d'examiner comment l'Ordre et la profession peuvent être modernisés.
par Jan Hoffman
Les cinq thèmes confirment la nécessité de revisiter de nombreuses questions dans le contexte actuel. Dag Boutsen, l'initiateur de l'organisation de ces thèmes, le sait mieux que quiconque. Architecte de formation, il était jusqu'il y a un an et demi, doyen de la faculté d'architecture de la KU Leuven, dont les campus sont situés à Bruxelles et à Gand. Il y a cinq ans, il s’est fait connaitre du grand public en collaborant à l’émission de télévision de Marcel Vanthilt. Il avait alors souligné son engagement à rendre l'architecture aussi accessible que possible à un large public. Au sein de l'Ordre, Boutsen représente en tant que membre, l'enseignement libéral subventionné néerlandophone.
En janvier, l'Ordre des Architectes a célébré son 60ème anniversaire lors d'une réception à Bruxelles. Photo © Isabelle Pateer
Dag Boutsen est également une figure de l’engagement en faveur de la profession d'architecte en général et des jeunes dans le domaine de l’architecture en particulier. Comment et pourquoi a-t-il mis en place cette série de débats ? Et quels sont les éléments qu'un Ordre moderne doit prendre en compte à l’heure actuelle ?
Dag Boutsen : "J'ai en fait une relation d'amour-haine avec l'Ordre. J'ai obtenu mon diplôme d'architecte en 1986 et j'ai travaillé pendant plus de 20 ans avec Lucien Kroll sur de nombreux complexes résidentiels et scolaires en France, en Allemagne et aux Pays-Bas, tout en enseignant à temps partiel. En 2009, j'ai commencé à enseigner à temps plein et je suis devenu doyen de la faculté d'architecture de la KU Leuven en 2013. Par conséquent, j'ai souvent été en contact avec l'Ordre de manière indirecte."
"Avant même de quitter mon poste de doyen il y a un an et demi, j'avais résolu de les rejoindre et d'y devenir mandataire. Ce faisant, je défendais l’importance de prendre en compte le point de vue du monde de l'éducation. Par cet engagement, j'ai voulu faire bouger les choses au sein de l'Ordre et j'ai coécrit une déclaration de vision et de mission, contenant un certain nombre de promesses. Mon objectif principal est de faire évoluer l'Ordre vers une conception plus moderne. Le texte de vision et de mission est porteur de perspectives clés que j’ai traduit en cinq débats pour la célébration de leur 60ème anniversaire."
Dag Boutsen (à l'extrême gauche) en tant que doyen lors d'une visite de la Faculté d'Architecture de Gand. Photo © KU Leuven
Sujets d'actualité
Lorsque nous interrogeons Dag Boutsen sur les cinq débats, tous modérés par Goedele Wachters, il explique qu'ils abordent des thèmes liés à la discipline de l'architecture et la pertinence du rôle de l'Ordre. Il choisit un certain nombre de sujets brûlants afin de mettre en lumière les domaines essentiels où un changement est souhaitable.
Dag Boutsen : "Nous avons déjà eu un débat, dans lequel il était question du parcours des architectes de 1939, la loi dite du monopole. Ce débat mettait en évidence les différents disfonctionnements. Beaucoup d’aspects de cette loi sont discutables, mais elle n'a jamais été modifiée. Dans une large mesure, l'objet du deuxième débat, qui aura lieu le 30 mars à Hasselt, a un objectif similaire. Nous y parlerons de la notion de stage. Ce concept date de plusieurs siècles, cependant, il n’est plus adapté à la configuration des bureaux d'architectes actuels en Belgique, ainsi qu’au niveau international. Les petits bureaux se font rares, tandis que les bureaux de moyenne et grande taille sont en pleine expansion. Cela signifie que les bureaux font appel à des profils d’expertise dans diverses spécialités et, le cas échéant, créent des consortiums temporaires visant à réunir le savoir-faire nécessaire dans un métier de plus en plus complexe."
"On observe que les réglementations se multiplient, tandis que la responsabilité de l'architecte reste trop prépondérante dans un contexte social où l’innovation domine. Du coup, les agences augmentent en taille et les salariés convergent, faisant de la notion de stage un concept obsolète. Il n’est plus vraiment possible d’avoir une connaissance exhaustive. De plus, en final, de nombreux architectes ne travaillent même pas dans la profession. Par exemple, une enquête européenne a démontré que 25 à 40 % des diplômés en architecture finissent par s’orienter vers des domaines complètement différents de ce que nous considérons comme l'architecte classique. Nous avons refait cette enquête dans notre propre université et nous avons constaté la même chose. Nous en concluons que l'architecture a depuis longtemps cessé d'être une discipline purement axée sur le fait de devenir architecte. Cela signifie que des adaptations sont requises, comme dans le domaine des stages."
Le deuxième débat aura lieu le 30 mars à Hasselt, à la PXL Hogeschool. Photo © PXL Hogeschool
"En fait, toute la discussion sur ce que l'on doit savoir et être capable de faire dans une formation est remise en question. Il ne s'agit plus de l’exercice classique de l'architecture, mais de se débarrasser de l'étroitesse d'esprit et de réfléchir, entre autres, aux compétences dont on a le plus besoin plus tard dans sa formation. Il ne s'agit plus seulement de savoir dessiner ou concevoir. Il est également essentiel de résister à la pression des délais de réalisation, de travailler en équipe, de savoir encaisser les échecs, de penser à l'innovation, etc. Les compétences émotionnelles ou sociales sont donc toujours impliquées. Si vous en êtes conscient, il vous suffit d'adapter votre programme. Ce qui signifie que vous devez également prêter attention à ces compétences dans votre stage. Si vous remarquez qu'aucun cours ne prend en compte ces compétences, vous savez que vous devez reconsidérer les choses.
L'avis des jeunes loups
Le troisième débat, qui se déroule pendant l'événement Architect@Work à Courtrai, est à nouveau axé sur les jeunes. Intitulé "Le point de vue des jeunes loups", il portera sur les jeunes architectes, leurs ambitions et leurs attentes.
Dag Boutsen : "Ce thème illustre également le fait qu'une organisation tel que l’Ordre doit aujourd'hui être bien plus qu'un organe administratif et qu'il faut oser adapter sa capacité et sa fonction à la réalité. Le monde d'il y a 60 ans était totalement différent de celui d'aujourd'hui. Les commissions disciplinaires, par exemple, n'ont encore pratiquement aucun soutien."
"Pour ce débat, nous invitons plusieurs jeunes agences très en vue à participer au panel et nous leur demandons ce qu'elles pensent du rôle d’un Ordre. Que signifie l'Ordre pour eux aujourd'hui ? Nous constatons que ceux que nous appelons les 'jeunes loups' sont confrontés à de nombreuses difficultés et nous devrions avoir l'ambition d'explorer le rôle de soutien de l'Ordre concrètement dans leur travail. Comment aborder les problèmes quotidiens d'une jeune agence, comment remédier au manque de reconnaissance, pourquoi doivent-ils travailler en étant sous-payés dans un système où le pseudo travail indépendant semble être la norme, etc."
Plus tard dans l'année, les deux autres débats aborderont d'autres questions. Le premier débat aura pour thème "Provincialisme contre mondialisation", et le deuxième, "L'architecture, (comme) un état d'esprit", qui clôturera l'année anniversaire.
Dag Boutsen : "Et les deux débats abordent des questions urgentes auxquelles il faut réfléchir. Par exemple, le premier débat posera la question de savoir s'il est pertinent aujourd’hui de penser au niveau provincial ? L'autre débat ira bien au-delà de l'étude de ce que signifie devenir architecte. Il faut réfléchir simultanément à ce que signifie être architecte et comment le rester. Dans ce domaine également, l'Ordre doit s’adapter. Le monde d'aujourd'hui a irrévocablement changé, y compris les jeunes qui ne se limitent plus depuis longtemps à leurs frontières nationales."
Dag Boutsen : "La vision et la mission de l'Ordre des Architectes contiennent un certain nombre de positions, qui seront abordées au cours de cinq débats durant la célébration du 60ème anniversaire." Photo © European Association For Architectural Education
Débats publics du programme restant Ordre des Architectes
- 30 mars : Stage amélioré : Nouvelles voies pour un processus de stage en développement, PXL Hogeschool, Hasselt
- 11 mai : La perception des jeunes loups - Les jeunes architectes, leurs ambitions et leurs attentes, Architect@Work Courtrai
- 23 septembre : Provincialisme <=> Globalisation - Vers un Ordre des Architectes plus performant, De Warande, Bruxelles
- 9 novembre : L'architecture, (comme) un état d'esprit - Devenir architecte. Être architecte. Rester un architecte, Gand