Nous nous penchons aujourd’hui sur un sujet que nous n’avions pas encore abordé dans nos newsletters : le logement collectif. C’est-à-dire un complexe avec un ou plusieurs bâtiments, composés de logements individuels, où chaque unité est habitée par une cellule familiale, indépendamment du reste. Comment éviter l’effet caserne soviétique au temps de la Guerre froide et donner à ce genre de projet un véritable attrait ? Direction Averbode à la découverte du tout nouveau projet Trojka, signé par le jeune couple d’architectes opérant depuis Bruxelles Elien et Artyom Architenko, qui illustre une tout autre approche de l’habitat collectif.
par Jan Hoffman
Trojka se compose de trois volumes compacts côte à côte, reliés par une passerelle.
Comment le projet Trojka cadre-t-il dans le principe de logement collectif, dont l’usage est défini comme principalement résidentiel, avec des espaces communs ? Comme l’entrée, par exemple, ou un jardin communautaire ou encore un garage avec des espaces privatifs de rangement. Au niveau du bâtiment, les typologies peuvent être très variées : appartements, combles, duplexes, lofts... L’ensemble est utilisé par un groupe de personnes sans liens familiaux.
Trois volumes compacts
Le nom fait référence aux trois volumes reliés par une passerelle, formant ainsi un tout. Initialement, le mot trojka (‘trio’) désigne un véhicule ou une luge tirée par trois chevaux.
“Trojka se compose de trois volumes compacts – d’où son nom – érigés côte à côte. Ces bâtiments sont reliés par une passerelle qui unifie le schéma. Ce qui donne un nouvel ensemble cohérent, à l’échelle de l’environnement direct, composé essentiellement de logement unifamiliaux”, explique Elien Architenko. “On y dénombre 18 logements sociaux, un jardin commun et un parking souterrain. Le complexe est situé dans le centre d’Averbode, à distance pédestre de toutes les commodités, dans une rue étroite qui s’ouvre en éventail au bout.”
L’intégration dans le tissu social est essentielle pour un logement collectif.
Ce qui marque directement, c’est la relation étroite entre Trojka et le contexte environnant. Bien loin de l’éléphant dans un magasin de porcelaine, il s’agit au contraire d’un complexe résidentiel élégant (avec une superficie au sol brut de 1953 m² pour les bâtiments et 843 m² pour le parking souterrain), qui suit parfaitement la volumétrie environnante. Le rez-de-chaussée fait écho à la construction décalée de l’autre côté de la rue, qui s’en trouve élargie sans avoir eu besoin d’aménager l’espace public.
La passerelle reliant les trois volumes à l'avant offre une occasion de rencontre et de contact de manière douce et non coercitive.
Qualité de vie, collectivité et durabilité
“Tout s’articule autour d’une réflexion centrale : dans ce projet, chaque élément doit contribuer à la qualité de vie, la collectivité et la durabilité”, nous explique-t-on. “Nous avons procédé de différentes façons. Sur l’avant et sur l’arrière, par exemple, nous avons ajouté des espaces couverts. Ceux-ci servent à la fois de passerelle et de terrasses privées. Chaque appartement en a une. Entre les volumes, deux passages individuels mènent à l’espace vert sur l’arrière et la passerelle qui relie les trois volumes en façade offre une zone de rencontre informelle favorisant le contact sans l’imposer.”
”Tous les appartements sont accessibles via l’ascenseur et, tout comme les terrasses privées à l’arrière, la passerelle sert de protection solaire pour les appartements individuels. Les oriels plus larges sur la passerelle offrent non seulement de l’espace pour les rencontres et les contacts mais apportent aussi une esthétique variée dans le paysage urbain.”
Les 18 appartements possèdent tous une terrasse avec vue sur le jardin commun.
La philosophie Architenko
Lorsque nous demandons à en savoir plus sur la philosophie qui sous-tend le travail des Architenko, ce qui ressort le plus, c’est l’instance sur la participation à un cadre de vie durable. Cette philosophie, on la retrouve aussi bien dans le projet Trojka que dans les bureaux du couple d’architectes. Elien et Artyom ont fait le choix d’opérer avec leurs collaborateurs depuis le bâtiment de Greenbizz.brussels, le premier incubateur pour les entreprises vertes.
“Cette philosophie reflète également l’importance que nous accordons à une ambiance familiale et au travail d’équipe”, précise Elien. “Tout comme notre nom. Artyom est d’origine ukrainienne et en Ukraine, les noms de famille en ‘-enko’ signifient ‘enfant de’. Architenko se traduit donc littéralement par ‘enfant d’architecte’ ou ‘fait par un architecte’, une belle interprétation de la culture de notre entreprise.”
“À Trojka, notre engagement envers un cadre de vie durable s’exprime à travers l’utilisation de matériaux de façade durables, abordables et faciles à entretenir. Nous avons opté pour un revêtement de façade et de toiture léger, composé de losanges en zinc naturel gris clair associés à du bois thermotraité. En-dessous, nous avons choisi une plinthe en béton afin de protéger un maximum le bois de l’humidité. Après la démolition de l’ancien bâtiment, nous avons réutilisé un maximum de matériaux. Notamment la menuiserie, que nous avons récupérée pour la construction d'un pavillon de jardin.”
Rassembler les gens
Sur le site, les usagers faibles sont séparés du trafic motorisé. Il y a un parking à vélos avec un cinquantaine d’emplacements.
“Trojka a aussi la volonté de rassembler les gens et d’offrir un environnement agréable à tous. Autre élément important sur le site : les usagers faibles sont séparés du trafic motorisé. Il y a notamment un garage pour une cinquantaine de vélos et le trafic motorisé a sa propre zone dans un parking souterrain. Le jardin commun, d’entretien facile, offre quant à lui une multitude d’opportunités de contact social, avec différentes zones à partager, comme un pavillon, de petits potagers et un jardin sauvage. Les buttes fleuries garantissent l’intimité des terrasses.”
Vue des terrasses du bâtiment terminé.
“Ce projet résidentiel collectif intègre aussi une grande flexibilité. Notamment dans la diversité de l’offre au niveau des appartements, où l’on trouve des appartements-galeries, des duplexes et des penthouses, avec un agencement alternatif. L'objectif général était de permettre à des cellules familiales de tout type de trouver leur place à Trojka, mais dans un projet où chaque appartement a sa propre terrasse donnant sur le jardin commun.”
Trojka était la première réalisation en couple d’Elien et Artyom Architenko.
Concours d’architecture
Nous terminerons par quelques mots sur l’attribution de ce projet. Il semblerait que la conception de Trojka remonte à avant la création du bureau Architenko (et son slogan : Urban Design and Architecture).
“C’était notre tout premier gros projet en tant que couple”, sourit Elien. “En 2016, nous avons tenté ensemble l’aventure du concours ‘Jonge Architecten Aan Zet’, une initiative de l’Ordre des Architectes - Conseil flamand, de la NAV (organisation flamande des architectes), de la société flamande de logement social (VMSW) et la société de location sociale Diest Uitbreiding. À notre grand étonnement, nous l’avons emporté sur 59 autres candidats et nous avons pu montrer ce dont nous sommes capables. Nous avons littéralement mis notre cœur et notre âme dans ce projet et nous en sommes toujours très fiers. Il y a quelques temps, Artyom a parfaitement résumé notre sentiment : ‘Trojka est comme la création d’un musicien où l’on ressent l’harmonie de chaque élément’. Je ne vois pas de meilleure façon de l’exprimer.”
Toutes les photos © Architenko